La route du lac ...
L'épreuve continue au seuil de l'année 1942 mais on réussit maintenant à évacuer les habitants les plus malades. Certains partent à bord d'avions ou de camions qui vont chercher des vivres. D'autres essaient de traverser le lac gelé par leurs propres moyens. Pour beaucoup, hélas ! il est trop tard et la mort les emporte avant qu'ils aient atteint le salut.
De toute façon, ces départs améliorent le bilan alimentaire de la ville. Si l'administration a théoriquement institué un contrôle étroit des évacuations, elle ferme en réalité les yeux : tout départ, autorisé ou non, ne signifie-t-il pas une bouche de moins à nourrir? Fin décembre 1941, 35 000 personnes sont déjà parties. Ce chiffre continuera de s'accroître l'année suivante.
Par une espèce d'ironie tragique du sort, le besoin de travailleurs s'accroît sans cesse, alors que les gens fuient la ville, et la reconstruction des routes et des ponts ainsi que le transport des marchandises par le lac se trouvent ralentis. Jdanov lance alors une pathétique exhortation à ceux qui entre­tiennent et utilisent la route tracée sur les glaces du lac Ladoga :
Chers camarades, la route du lac fonctionne toujours aussi mal. Elle ne fournit que le tiers environ des besoins quotidiens en vivres et en carburant de Leningrad et de l'armée, bien que ces besoins aient été réduits au strict minimum. Cela signifie que l'approvisionnement de la ville et du front ne tient qu'à un fil, alors que la population et les troupes subissent déjà d'effroyables privations.
Cette situation est d'autant plus intolérable que les approvisionnements nécessaires sont à portée de la main. Aussi est-ce à vous, et à vous seuls, qu'il appartient d'a­méliorer cet état de choses. Allez donc au travail, comme des patriotes soviétiques se doivent de le faire, en y mettant tout votre coeur et sans ménager vos forces...
Personne n'ayant plus de forces à ménager, on pourrait croire que les travailleurs se contentent de rire jaune. Erreur, car Jdanov a vu juste. Ses reproches et son appel au coeur des ouvriers obtiennent l'effet souhaité. Les chauffeurs des camions qui tombent sans cesse en panne se donnent encore plus de mal pour réviser leurs véhicules avant de se mettre en route. On organise des compétitions entre conducteurs pour déterminer lequel fera trois aller et retour dans sa journée.
Tout le monde s'ingénie à combler les fissures dans la glace. On reconnaît de nouveaux itinéraires. On remet en état des chasse-neige abandonnés, parce qu'inutilisables, en les réparant avec des pièces récupérées à la ferraille. Pour déchaîner cette énergie et cet enthousiasme, il a suffi de quelques dizaines de grammes de pain supplémentaires par jour, d'une distribution de viande en conserve, de l'appel de Jdanov et, bien entendu, de l'espoir qui commence à poindre.
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